Ombres de mes livres

 

… où j’ai cherché à esquisser les silhouettes des 
premiers possesseurs de mes livres anciens.
 
 
 
Louise de Clermont-Gallerande, duchesse de Brancas 
(1710-1788)
Le livre :

Miguel de Cervantès
Persile et Sigismonde

traduit par Mme Le Givre de Richebourg (L. G. D. R.)

A Paris, chez Michel Gandouin, Quay de Conty, aux Trois Vertus. 1738
Le fer sur le livre :

Ecu double timbré d’une couronne de duc
posé sur un manteau de pair de France :

 
« à dextre : D'azur, à un pal d'argent, chargé de trois tours de gueules, et accosté de quatre pattes de lion mouvantes des flancs de l'écu posées en chevron (Brancas) ; 
à senestre : D'azur, à trois chevrons d'or, celui du chef brisé  (Clermont-Gallerande) »

 
Louise-Diane-Françoise de Clermont-Gallerande
(1711 - 23/08/1788)

duchesse de Villars
dite "duchesse de Brancas" 

Dame pour accompagner Mesdames aînées 
Dame d'honneur de la Dauphine
Dame d'honneur de la comtesse de Provence 



 
Epouse à 28 ans d'un duc et pair de 75 ans !
Fille du marquis de Gallerande :

Louise-Diane-Françoise est la fille de Pierre Gaspard, comte de Clermont d'Amboise, marquis de Gallerande. Il est 1er écuyer du duc d’Orléans, gouverneur du Dauphiné, maréchal de camp.

Cette famille d'Amboise, dont les Clermont forment une branche, est très ancienne. Son premier représentant est Hugues dit «de Lavardin», filleul d’Hugues Capet, châtelain de Bazouges-sur-le-Loir. Son fils Lisois ( ~998 + ~1061/65) est chef de guerre pour le comte d'Anjou. Et son fils Sulpice devient châtelain d'Amboise.

Au début du XVIe siècle Renée d'Amboise épouse Louis, seigneur de Clermont-Gallerande, maître d’hôtel du roi François 1er. 
Epouse du 3ème duc de Villars :

Louise de Clermont-Gallerande se marie d'abord en 1728 avec son cousin Georges-Jacques de Clermont d’Amboise dit le «Comte de Clermont» (+1734).

Son second mariage est célébré le 24 février 1738. Elle épouse à 28 ans un duc et pair qui en a 75 ! Louis 1er de Brancas, duc Villars, est né en effet en 1663.

Pair de France et grand d'Espagne cet ambassadeur de France en Espagne est le troisième duc de Villars, marquis de Brancas. 

Saint-Simon parle de son caractère dans ses Mémoires :
« C'était un homme pétillant d'esprit, mais de cet esprit de saillie, de plaisanterie, de légèreté et de bons mots, sans la moindre solidité, sans aucun sens, sans aucune conduite, qui se jeta dans la crapule et dans les plus infâmes débauches, où il se ruina dans une continuelle et profonde obscurité. » 

En 1709 le duc se démet de son duché-pairie en faveur de son fils aîné et se retire en l'abbaye du Bec près de Rouen. En 1731 il s’installe dans la maison de l’institution des PP. de l’Oratoire à Paris ou il décède le 24 janvier 1739, moins d’un an après son remariage.

Ses deuxièmes noces en 1738 scandalisent la cour. Elles surprennent, avec une telle différence d'âge, pour un homme qui s'était retiré dans un établissement religieux depuis près de 30 ans.

Louise est désormais "duchesse de Brancas" (elle utilise ce titre au lieu de "duchesse de Villars"), au sommet de la hiérarchie nobiliaire après la famille royale. Son veuvage la rendant indépendante elle se garde bien de se marier une troisième fois.
Charges à la cour de France :

La duchesse de Brancas obtient successivement des charges prestigieuses à la Cour de 1746 à 1772.

En juin 1746 Louis XV la nomme l'une des trois dames pour accompagner Mesdames aînées (Henriette et Adélaïde). Elle joue, sans en avoir le titre, le rôle de dame d'honneur.

Les mémoires du temps indiquent que la duchesse de Brancas fait partie de l'entourage proche de Madame de Pompadour. Ce qui favorise certainement sa nomination à certaines charges à la cour.

Ainsi Dufort de Cheverny précise : « [La dauphine] était accompagnée de plusieurs dames, entre autres de la duchesse de Brancas, surnommée à cause de sa taille « la grande » ; le roi (…) la connaissait particulièrement parce qu’elle allait souvent chez la marquise [de Pompadour]»

Le 27 février 1747 à Versailles, dans le Théâtre des Petits Cabinets, elle chante dans « les amours déguisées », ballet lyrique, aux cotés du duc d'Ayen et de la marquise de Pompadour.

Dufort indique à propos des bals des petits appartements: « Ces bals commençaient à minuit ; le roi y venait dans la loge du milieu ou étaient Mme de Pompadour, Mme de Brancas et Mme d’Esparbés, le duc de Choiseul, son beau-frère le duc de Gontaut, et le prince de Beauvau comme capitaine des gardes ; Mme de Pompadour était sur un fauteuil à droite, les deux dames l’une derrière l’autre du côté opposé, et le roi se mit au milieu, les trois autres derrière. ».

En octobre 1750 la duchesse de Brancas obtient la survivance de la charge de dame d'honneur de la Dauphine. Et en 1762 elle devient dame d'honneur en titre jusqu'à la mort de Marie-Josèphe de Saxe en 1767.

Lors de la constitution de la maison de la comtesse de Provence en 1771 elle est nommée dame d'honneur, charge qu'elle doit quitter un an plus tard.

Elle n'obtient plus de charges par la suite ce qui réduit ses ressources puisque son futur héritier s'inquiète en 1780 auprès du ministre Sartine : « Le dérèglement de ses affaires me fait craindre de n'hériter que de ses dettes ».
Le château de Gallerande perdu au jeu de cartes :

Gallerande est un château situé à Pringé dans l'actuel département de la Sarthe.

Il était à l'origine une forteresse, édifiée à partir du XIe ou XIIe siècle.  Entre 1477 et 1500 René de Clermont-Gallerande, vice-amiral de France, entame la reconstruction du château. La terre de Gallerande est érigée en marquisat en 1576.

Le château se compose d'un corps de logis principal et d'une aile en retour vers l'arrière, accompagnés de quatre tours cylindriques et deux tours quadrangulaires, avec à proximité deux corps de dépendances pour loger les troupes du marquis de Gallerande et un colombier.

Louise-Diane de Clermont-Gallerande reçoit le château en usufruit comme dot. La duchesse de Brancas vend Gallerande en 1772 à son cousin Charles Georges de Clermont d'Amboise à la suite d'une perte au jeu de cartes ! 
Pension du roi sur St Domingue :

Louis XV attribue en 1756 une aide à la duchesse de Brancas.  Il est précisé :

« Le Roy a la bonté d’accorder à la duchesse de Brancas une grâce en considération des services M.is de Clermont son Père, de dépenses qu’il avoit faites à son service et qui ont absorbé la plus grande partie de son bien, et pour aider la duchesse de Brancas à se soutenir dans la place qu’elle a l’honneur d’occuper. »

Il concède un droit de passage « tant sur la rivière du haut du Cap qu'à la petite anse de Limonade en l'Isle de S.Domingue » pendant 30 ans. L'effet de cette concession est retardé : ce n'est qu'en 1765 que le brevet est expédié à la duchesse.

Le Conseil supérieur du Cap doit enregistrer le brevet mais refuse en invoquant les pertes financières qu'il entraine pour la colonie. Un long procès s'entame à l'issue duquel il est proposé de transformer la concession en une rente annuelle de 24 000 livres pour elle et ses héritiers pendant 30 ans.

L'effet devait durer jusqu'en 1796 et ne prévoyait pas bien sûr la Révolution à venir !

La famille de Brancas :

La famille de Brancas est une grande famille noble française, issue de la maison des Brancaccio de Naples, illustre famille italienne documentée à la fin du Xe siècle et illustrée par de nombreux cardinaux et princes. Les Brancas se sont établis en France au XIVe siècle, sous Charles VII.

Le titre de duc de Villars a été créé en 1627 par Louis XIII au profit de Georges de Brancas (1568-1657), lieutenant-général de Normandie et gouverneur du Havre. Il est devenu duc et pair de Villars en 1652.

Son fils, Louis-François de Brancas (†1679), devient le deuxième duc et pair de Villars. Il est le père de Louis 1er.
Sources :
 
> Page Wikipédia famille de Brancas
Généalogie de la famille Brancas
> Mémoires du duc de Saint-Simon (page 37)
> Jean-Nicolas Dufort de Cheverny, Mémoires sur les règnes de Louis XV et Louis XVI, Ed. Plon, Nourrit et Cie, 1886
> Maison d’Amboise
> Les correspondants de la marquise de Balleroy
> Dictionnaire topographique, historique, généalogique et bibliographique du Maine, volume 1, page 418
> Patrimoine des pays de la Loire, château de Gallerande 
> Page Wikipédia château de Gallerande
> Dotation faite à la  duchesse de Brancas par le Roi à Saint-Domingue 
> Page Wikipédia famille Brancaccio

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