Ombres de mes livres

 

… où j’ai cherché à esquisser les silhouettes des 
premiers possesseurs de mes livres anciens.
 
 
 
Louis-Urbain Le Fèvre de Caumartin
(1653-1720)
Le livre :

Charles de Bourdonné : Le courtisan désabusé

1658
à Paris, chez Antoine Vitré


ex-libris de la bibliothèque du château de St Ange




Le fer du possesseur :


Ecu timbré d'une couronne ducale :

D'azur à cinq fasces d'argent
Louis-Urbain Le Fèvre de Caumartin 
« le Grand Caumartin »
(Châlons-en-Champagne 21 septembre 1653
- château de Saint-Ange 2 décembre 1720)


Marquis de Saint-Ange 
Comte de Moret

Conseiller au Parlement
Maître des requêtes
Intendant des finances
Conseiller d’État
Du cardinal de Retz au jeune Voltaire
Le magistrat et l’intendant :

Issu d'une famille de noblesse de robe le Grand Caumartin débute sa carrière naturellement dans la justice.

Il est nommé conseiller au Parlement en 1674 et maître des requêtes en 1682.

En 1690 il devient intendant des finances, puis conseiller d’État en 1697.

Il achève sa carrière comme doyen au Conseil des parties.

Il avait été élève du célèbre prédicateur Fléchier.
Boileau et Mme de Sévigné : 

Boileau loue la probité du Grand Caumartin dans sa Satire XI :
« Chacun de l’Équité ne fait pas son flambeau,
Tout n’est pas Caumartin, Bignon, ni Daguesseau. »
 
Caumartin épouse en 1680 Marie-Jeanne Quentin de Richebourg, l’amie de Madame de Sévigné ede leurs voisins d’Époisses, les Guitaut. La marquise s'enthousiasme à cette occasion :

« Ce mariage est assorti, en perfections : c'est justement le contraire de sottes gens, sotte besogne. Le bon esprit y paraît en tout et partout ».
Saint-Simon, à la fois réservé et élogieux :
 

A la mort de Caumartin, Saint-Simon dans ses Mémoires dresse un portrait plutôt agréable, même s'il ne peut manquer de lancer quelques pointes :

« C'était un grand homme très bien fait et de fort bonne mine; on voyait bien encore qu'il avait été beau; il avait pris tous les grands airs et les manières du maréchal de Villeroy, et s'était fait par là un extérieur également ridicule et rebutant. Il avait l'écorce de hauteur d'un sot grand seigneur, il en avait aussi le langage, et le ton d'un courtisan qui se fait parade de l'être; ces façons lui aliénèrent beaucoup de gens. Le dedans était tout autre que le dehors; c'était un très bon homme, doux, sociable, serviable, et qui s'en faisait un plaisir, qui aimait la règle et l'équité, autant que les besoins et les lois financières le pouvaient permettre; et au fond honnête homme, fort instruit dans son métier de magistrature et dans celui de finance, avec beaucoup d'esprit, et d'un esprit accort, gai, agréable. Il savait infiniment d'histoire, de généalogie, d'anciens événements de la cour. Il n'avait jamais lu que la plume ou un crayon à la main; il avait infiniment lu, et n'avait jamais rien oublié de ce qu'il avait lu, jusqu'à en citer le livre et la page. Il était lui-même d'excellente compagnie, et avait beaucoup d'amis à la cour et à la ville. Il se piquait de connaître, d'aimer, de servir les gens de qualité, avec lesquels il était à sa place, et point du tout glorieux, et parfaitement libre des chimères de la robe, avec cela très honorable et même magnifique, point conteur, mais très amusant, et quand on voulait un répertoire, le plus instructif et le plus agréable. »
Les mémoires du cardinal de Retz :
 

Le père du Grand Caumartin, Louis-François, était lié étroitement, à l'époque de la Fronde, au cardinal de Retz.

L'épouse de Louis-Urbain pourrait être la destinatrice des mémoires du cardinal. Caumartin reçoit un manuscrit du projet qu'il truffe de ses annotations.

Plus tard son intervention est déterminante pour la transmission des mémoires du cardinal de Retz ainsi que de ceux de Guy Joly.
Le protecteur de Voltaire :
 

Le jeune François-Marie Arouet, le futur Voltaire, rend son père furieux par ses incartades.  Il est sauvé par Caumartin, un ancien client du notaire Arouet qui le convainc de lui confier son fils pour tester le talent poétique du jeune rebelle.

Arouet fils passe ainsi des vacances au château de Saint-Ange à lire, à écrire et à écouter les récits de son hôte qui lui serviront pour La Henriade et Le Siècle de Louis XIV.

Dans l'«Epitre XIII. À M. le prince de Vendôme, grand prieur de France» en 1716, Voltaire dit le plaisir qu'il a eu à écouter le vieil homme :

 
« Caumartin porte en son cerveau
De son temps l’histoire vivante ;
Caumartin est toujours nouveau
À mon oreille qu’il enchante ;
Car dans sa tête sont écrits
Et tous les faits et tous les dits
Des grands hommes, des beaux esprits,
Mille charmantes bagatelles,
Des chansons vieilles et nouvelles,
Et les annales immortelles
Des ridicules de Paris. »
Le château de St Ange :
 

Le château de Saint-Ange de Villecerf, près de Fontainebleau, est construit à partir de 1543 par François 1er pour la duchesse d'Étampes. 

Le château est cité comme un des « plus excellents bâtiments de France » par Jacques Androuet du Cerceau, qui en publie dessins et commentaires.

Au XVIIe siècle la famille Le Charron modifie fortement le château en ajoutant ses hautes toitures. Par succession le château est transmis aux Caumartin. Le Grand Caumartin modifie les jardins en leur donnant l'ampleur qu'ils conservent actuellement.

On voit alors dans le château de belles collections de tableaux, de livres et de curiosités, et, dans les jardins, des vases élégants. Caumartin a transformé presque toutes les salles en une sorte de musée qui lui rendait toujours présents les souvenirs historiques dont sa mémoire était remplie.
La « Bibliotheca Caumartina » :
 

Dans le château de St Ange est conservée une bibliothèque prestigieuse comportant 3.362 titres à la mort du Grand Caumartin.

OHR note que la bibliothèque s'avère « remarquable tant par le choix des ouvrages que par la beauté des reliures ».

La Bibliotheca Caumartina a des reliures signées par les plus grands noms du temps comme Dusseuil, Courteval, Florimond Badier. Un atelier de reliure non identifié, en activité de 1685 à 1701, est désigné par convention « Atelier des Caumartin » par R. Esmerian.
L’hôtel à Paris :
 

Le musée Carnavalet conserve une vue d'époque du jardin de l'hôtel de la famille Caumartin à Paris, rue Sainte-Avoye (actuellement 83 rue du Temple).
Le château de Jarzay :
 

Forteresse médiévale à l'origine, c'est probablement au cours du XVIIe siècle que le château de Jarzay est devenu une demeure de plaisance, agrémentée de jets d'eau, de jardins, entourée d'un vaste parc et pourvue d'une chapelle. 

En même temps, le domaine seigneurial s'agrandit. Après la seigneurie de Massognes, le fief des Champs, les seigneuries des Mées, de Vieillemont, de la Bourrelière, de la Guérinière sont intégrées au fief de Jarzay.
 
L'ensemble est considérable. Aussi Caumartin obtient de Louis XIV vieillissant la reconnaissance de la châtellenie de Jarzay, réunissant en un seul fief l'ensemble des territoires dont il est le suzerain.
Les Caumartin :
 

La famille Le Fèvre de Caumartin est originaire du Ponthieu. Le plus ancien membre connu de cette famille est Huart Le Fèvre auquel le roi Charles VI accorde des privilèges par lettres patentes en 1400.

Louis Le Fèvre de Caumartin (1552-1623) est Garde des sceaux de France. Il est l'arrière-grand-père du Grand Caumartin.
Sources :

> Olivier, Hermal, de Roton : Manuel de l'amateur de reliures armoriées françaises (OHR), planche  651

> Les Caumartin : entre gens de cour et gens de plume 

> Histoire de la Bibliophilie  

> Page Wikipédia  

> Catalogue de Rigaud 

> Fiche bibliothèque de Lyon 

> Le château de St Ange 

> Le château de Jarzay   

> Vues du château de Jarzay  


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