… où j’ai cherché à esquisser les silhouettes des premiers possesseurs de mes livres anciens.
Charles de Rohan, prince de Soubise Le "maréchal de Soubise" (1715-1787)
Le livre :
Blondeau du Charnage :
Dictionnaire des Titres originaux pour les Fiefs, le Domaines du Roi, l'Histoire, la Généalogie, ....
à Paris, chez Panckoucke, 1764
Le fer du possesseur :
Ecu timbré d’une couronne de duc, sur deux bâtons de maréchal de France posés en sautoir et posé sur un manteau de pair de France :
" Coupé d'un trait parti de trois autres qui font huit quartiers au 1 d'azur à trois fleurs-de-lis d'or à la bande componnée d'argent et de gueules brochant (Evreux) au 2 de Navarre au 3 d'or à quatre pals de gueules (Aragon) au 4 (d'Ecosse) au 5 d'hermine plain (Bretagne) au 6 d'argent au guivre d'azur engoulant un enfant de gueules (Milan) au 7 d'argent à la fasce de gueules et à la bordure d'azur (St-Severin) au 8 de Lorraine Sur le tout parti de Rohan et de Bretagne. "
Charles de Rohan duc et pair de Rohan-Rohan prince de Soubise le " maréchal de Soubise"
(16 juillet 1715, Versailles - 1er juillet 1787, Paris)
Maréchal de France
Gouverneur de Champagne, puis de la Flandre et du Hainaut
Ministre d'Etat
Grand-croix de l'Ordre de Saint-Louis
Un Rohan "ami" de Louis XV
Du mousquetaire gris au maréchal de France :
Orphelin à l'âge de neuf ans, Charles de Rohan-Soubise entre dans les Mousquetaires gris à seize ans et devient capitaine-lieutenant de la Compagnie des gendarmes de la garde à dix-neuf ans.
Il devient rapidement brigadier puis maréchal des camps. Aide de camp du Roi, il le suit dans les campagnes de Flandres (1744-47). Il devient lieutenant-général en 1748.
Charles de Rohan-Soubise est envoyé par Louis XV pour aider l’Autriche mais il se fait battre par la Prusse à Rossbach en 1757. Il écrit au Roi : " La déroute de votre armée est totale. Je ne puis dire combien de ses officiers ont été pris, tués ou perdus ".
Ses ennemis ironisent :
" Soubise dit, la lanterne à la main, J'ai beau chercher. Où diable est mon armée ? Elle était là pourtant hier matin. Me l'a-t-on prise, ou l'aurais-je égarée ? Ah! Je perds tout. Je suis un étourdi! Que vois-je? Ciel! Que mon âme est ravie! Prodige heureux! La voilà! La voilà! ... Je me trompais : c'est l'armée ennemie! "
Le prince de Soubise prend sa revanche en 1758 à Sondershausen et à Lutzelberg et reçoit pour ces faits d’armes le titre de maréchal de France.
A la tête de l’armée du Rhin qui compte cent dix mille hommes, il bat Brunswick à Johannisberg en 1762, mais il est néanmoins chassé de la Hesse. La guerre de Sept-Ans se termine au détriment de la France.
Les titres et fonctions de Charles de Rohan :
Charles de Rohan porte une liste impressionnante de titres :
Il est duc et pair de Ventadour (1717), prince de Maubuisson, 4e prince de Soubise (1724), prince d'Épinoy (1724-1739 puis 1742-1787), 2e duc et pair de Rohan-Rohan (1749), marquis de Roubaix et d'Annonay, comte de Saint-Pol, de Goëlo et de Tournon, baron de Serrières, seigneur de Roberval, Clisson, Rhuis, Saint-Germain & autres lieux.
Outre ses fonctions militaires, il est gouverneur de Champagne en survivance. Il renonce à ce poste pour devenir en 1751 gouverneur général de Flandres et du Hainaut : Premier « Ber » et connétable héréditaire de Flandres, sénéchal de Hainaut, chef et grand bailli de Lille.
De plus il obtient le gouvernement des châteaux royaux de Madrid et de la Muette et la capitainerie des chasses du Bois de Boulogne.
L’« ami » de Louis XV :
Elevé à la cour à partir de neuf ans, Charles de Rohan-Soubise devient un des compagnons de jeu de l'enfant-roi Louis XV. "Les jeunes favoris sont MM. de Soubise et de Coigny, qui sont de très honnêtes garçons", écrit d'Argenson.
Le prince de Soubise est d'une fidélité sans faille à l'égard du Roi et soutient ses maîtresses, la marquise de Pompadour et la comtesse du Barry.
Cela n'est pas du goût de tous comme le souligne Dufort de Cheverny : " M. le maréchal de Soubise, l'ami du roi, attaché à la marquise de Pompadour, était peu fêté de tous les partis, parce qu'on savait qu'il n'aimait que son maître. Assez grand seigneur pour voler de ses propres forces, il se contentait du désir d'obtenir de son ami le roi, si l'on peut se servir de ce terme, ce qui contribuerait au maintien de sa maison ".
En 1755, Louis XV le nomme ministre d’État, en le faisant asseoir au Conseil d'en haut.
A la mort du Roi, Charles de Rohan-Soubise est l'un des très rares courtisans à suivre le cercueil royal à Saint-Denis.
Trois épouses et de nombreuses maîtresses :
Le prince de Soubise s'est marié successivement avec :
Anne Marie Louise de La Tour d'Auvergne (1722-1739), en 1734,
Anne-Thérèse de Savoie-Carignan (1717-1745), en 1741,
Victoria de Hesse-Rotenbourg (1728-1792), en 1745.
En 1757 il doit faire arrêter sa dernière épouse alors qu'elle s'enfuit, avec 900.000 livres de diamants et bijoux des Soubise, pour aller rejoindre son amant, le duc de Laval-Montmorency. Par la suite le prince la renvoit à ses parents, dotée d'une pension. Elle demeurera exilée avec eux à Echternach.
Charles de Rohan est un époux volage qui multiplie le nombre de ses maîtresses. Il est grand séducteur d'actrices et de très jeunes filles : il entretient mademoiselle Guimard "dans le luxe le plus élégant". Mademoiselle Zacharie, âgée de quinze ans, devient sa maîtresse alors qu'il en a soixante-neuf !
La sauce Soubise :
Le prince de Soubise est un grand gastronome ; au Siècle des Lumières où il est élégant d'être cuisinier, il est renommé pour sa sauce aux oignons dont il agrémente ses canetons.
Les plombs de la manufacture de Roubaix :
Dans les fonctions du gouverneur de la Flandre entre le contrôle des manufactures.
C'est pourquoi le prince de Soubise scelle de ses armes les plombs qui authentifient les tissus de la manufacture de Roubaix.
En effet une ordonnance royale stipule : "Ordonnons que les Fabriquans du Bourg de Roubaix feront appliquer à chaque pièce d'Etoffé qu'ils fabriqueront, et avant qu'elles soient ôtées du Métier comme il a été cy-devant pratiqué, un plomb portant d'un côté les Armes du Seigneur audit Lieu, et de l'autre côté Manufacture de Roubaix. "
L’hôtel de Soubise :
Charles de Rohan succède à son père en 1749 dans le superbe hôtel de Soubise, édifié par ses arrière-grands-parents paternels dans le quartier du Marais.
Lorsque les Rohan-Soubise décidèrent de faire construire leur hôtel en 1705, ils firent appel à l’architecte Pierre-Alexis Delamair, que leur conseilla le futur cardinal de Rohan qui fit de son côté édifier, sur un terrain adjacent, l’Hôtel de Rohan.
L'hôtel de Soubise abrite actuellement les Archives nationales.
La bibliothèque du prince de Soubise :
La bibliothèque du cardinal Armand Gaston de Rohan, prince-évêque de Strasbourg, comprenant 20.000 ouvrages, devient par héritage la propriété du maréchal de Soubise, neveu du cardinal.
Elle comprend, entre autres, une part significative de la bibliothèque du président de Thou, célèbre humaniste, bibliophile nommé grand maître de la Librairie du Roi par Henri IV.
Le maréchal de Soubise, bibliophile passionné, enrichit la bibliothèque des Soubise pour en faire l'une des plus importantes de la fin du XVIIIe siècle.
Les livres des Rohan-Soubise, lorsqu'ils ne portent pas leurs armes, se reconnaissent à leur décoration alternant les macles (Rohan), et les hermines (Bretagne).
Guigard (Armorial du Bibliophile, 415-416) précise à propos de la bibliothèque du maréchal :
" Il a réuni dans son cabinet les chefs-d’œuvre typographiques de tous les lieux et de tous les temps ; les ouvrages les plus rares, les plus curieux et les plus splendidement habillés. Le prince de Soubise avait hérité de toutes les richesses littéraires de son oncle, le cardinal de Rohan. Mais cela ne put assouvir sa passion voisine de la bibliomanie. Comme il correspondait avec tous les savants de l’époque, il se tenait au courant des découvertes bibliographiques et des publications nouvelles. On ne faisait pas une seule vente à Paris, en province et même à l’étranger, sans qu’il y assistât... Souvent il acheta en bloc des monceaux de livres, opérait un triage, rejetait ce qui ne lui convenait pas, puis faisait réparer ou relier le reste. "
A la fin de l'année 1788 l'immense et précieuse bibliothèque des Rohan-Soubise est dispersée aux enchères sur la base d'un catalogue très incomplet, rédigé à la hâte (8.302 articles).
Le comte d'Artois acquiert 5.000 volumes parmi les plus précieux qui figurent actuellement presque tous à la Bibliothèque de l'Arsenal.
La famille de Rohan :
La famille de Rohan prétendait remonter aux premiers rois de Bretagne. En réalité elle descend d'Alain le Noir (1084-1147), cadet des comtes de Porhoët dans le centre de la Bretagne.
Très vite la maison de Rohan étend ses fiefs autour de Rohan, Josselin et Pontivy. Elle finit par devenir l'une des plus importantes familles du duché de Bretagne.
Lors de la conquête du duché au XVe siècle les vicomtes de Rohan prennent souvent le parti des Français qui les pensionnent grassement.
En 1603, la vicomté de Rohan est érigée au rang de duché-pairie par lettres patentes du roi Henri IV.
A partir du XVIIe siècle les Rohan s'efforcent d'obtenir le rang de princes étrangers en s'appuyant sur leur généalogie bretonne "royale" appuyée par des faux et sur le titre de prince d'Empire des évêques de Strasbourg.
La maison de Rohan se subdivise en de nombreuses branches : Guéméné, Rochefort, Soubise, Gié, Chabot, Gué-de-l'Isle, Polduc et Montauban.
Elle a bénéficié de la création de trois duché-pairies : Montbazon (1588), Rohan (1603; relevé par les Chabot) et Frontenay (1626; devenu Rohan-Rohan).
Les Soubise :
La branche des Rohan-Soubise est issue de celle des princes de Guéméné. Son premier représentant est le fils d'Hercule Ier de Rohan-Guéméné : François de Rohan-Soubise (1630-1712).
Elle a pour fief principal les terres de Soubise en Poitou.
Le fils de François de Rohan-Soubise, Hercule-Mériadec de Rohan, prince de Soubise, voit ses fiefs érigés en 1714 en duché-pairie sous le nom de "duché de Rohan-Rohan" pour se différencier des Rohan-Chabot, ducs de Rohan.
La branche des Rohan-Soubise s'éteint avec le maréchal.
Sources :
> Eugène Olivier, Georges Hermal, Robert de Roton : Manuel de l'amateur de reliures armoriées françaises, planche 2034, fer 3
> Alain Boulaire : Les Rohan. Histoire France Empire, 2001, ISBN 2-7048-0914-3
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